Retrouvailles au palais. Feat Ymir

Levée depuis l'aurore, tu scrutes les paysages rougeoyant sous les rayons d'un nouveau jour qui se lève avec lenteur. La bougie posée sur le rebord de ta fenêtre se meurt, laissant planer sur les pages du livre que tu tiens entre les mains une ombre incertaine et vacillante. Tu ne savais plus quoi faire, tombant à la fois de sommeil mais n'arrivant que rarement à le trouver, où alors était-ce plutôt lui qui finissait par t'emporter lorsque tes yeux n'arrivaient plus à rien, lorsque ton esprit enfin se calmait et que tu ne pensais plus... Les jours commençaient doucement à se raccourcir, la nuit grignotant petit à petit de précieuses minutes sur l'aube afin d'exister le plus longtemps possible; mais toujours le soleil parvenait à chasser les tourments de la sorgue qui pourtant berçait le peuple. Soupirant, tu laissais échapper entre tes lèvres blêmes une fine fumée de bruine, l'air était encore frais en cette matinée. Tes pupilles parcourant l'horizon, une silhouette familière se dessinait au loin, presque imperceptible, silencieuse comme un fantôme, ses plumes blanches et sables glissant au gré d'un courant qui la ramenait chez elle; Nyx volait vers sa maîtresse avec toute la grâce et l'élégance propres à son espèce, se posant dans un simple bruissement sur le bras tendu que tu lui offrait. Ses serres se plantant quelque peu dans ta chair, tu lâchais un juron ne seyant guère à ton rang mais qui pourtant te fit le plus grand bien. La petite effraie tordant son cou en ta direction, dardait sur toi ses immenses billes fuligineuses qui avaient le don de te faire perdre la notion du temps. Mais pas aujourd'hui. Caressant l'animal, elle finit par soupirer d'aise et se secouer, signe qu'elle était à la fois heureuse et fatiguée de sa nuit de chasse; aussi, toujours perchée sur ton avant-bras, la portais-tu à son perchoir où elle s'empressa de grimper et de s'endormir; et tu te pris à l'envier de pouvoir si vite rejoindre les bras de Morphée...  

Enfilant hâtivement une robe, ne te demandant aucune aide de la part d'une suivante, tu sortis rapidement de ta chambre afin d'hanter les couloirs du palais. Malheureusement, fidèle à son poste, ton garde attitré n'était pas loin, déjà présent à peine les premières lueurs parues. Tu ne pouvais te défaire de lui, tu avais maintes fois essayé, mais toujours il restait dans ton environnement proche; et même Rowenn avait finit par te demander d'accepter sa présence, gage de ta sécurité en cette période de troubles... C'est alors résignée que tu entamais de parcourir les dédales de corridors du château, jusqu'à entendre des bruits lointains et étouffés de lames s'entrechoquant, vers lesquels tu t'empressa d'aller. La lumière de la cour t'aveugla quelques instants, mais bien vite tu réussis à discerner les corps en mouvements, la sueur perlant sur leur peau, l'argent des épées qui volait, l'entrainement des hommes à l'état pur, et si tu profitais du spectacle pour quelques brefs moments, une chevelure de braise se glissa dans ton champ de vision. Redressant ton regard vers ce détail, tu savais pertinemment à qui appartenait ces mèches à la couleur de l'automne. Activant le pas, tu entrepris prestement de te rendre vers elle, deux virages et un escalier vous séparant seulement. Arrivée à sa hauteur, tu remarquais tout de suite les œillades qu'elle se permettait à laisser aller vers une personne toute désignée en contrebas. D'un signe de la main, tu demandais à ton gardien de ne pas s’approcher trop près, ce qu'il accepta d'un bref hochement de tête; surement peu friand de ragots féminins. “ Comptes-tu un jour lui faire part de ce que tu ressens ? ” La question était partie, soufflée à sa seule personne, comme portée par une douce brise qu'elle seule pouvait sentir. Simone. “ Ne tardes pas, tu risquerais de le regretter un jour ou l'autre... ” Tu passais une main réconfortante autour de sa taille, penchant à ton tour ton buste au dessus de la balustrade, observant un Hadrian en plein combat contre un jeune soldat de Corona, plein de fougue et concentré, comme à son habitude.

Alors que tu arrivais à sa hauteur en lui adressant une simple parole, Simone sursauta comme une biche surprise par un chasseur devant sa source désaltérante; ce qui eut le don, il faut se l'avouer, de te faire rire doucement sourire. Comme si observer en cachette son compagnon d'infortune et meilleur ami était un crime qi pouvait lui être reproché. A la fois attendrie et émue, tu ne réussis à enlever le large sourire qui venait de tendre tes lèvres vermeilles; car tu comprenais, peut-être mieux que quiconque, ce qu'il était d'ainsi admirer un homme à qui l'on cachait ses véritables sentiments, et si ta situation avec Rowenn était bien différente de celle de Simone et Hadrian, tu ne pouvais contenir cette pointe de nostalgie qui étreignait ton cœur. Ton époux te manquait, repartit une énième fois vers son royaume d'origine pour un rapport de la plus haute importance, te laissant seule à Corona, avec l'insoutenable vide que creusait son absence. Mais tu te réjouissais d'ainsi croiser Simone, car sa présence apportait un peu de gaieté à la monotonie de ta vie de cour. La voix délicieuse de l'ambassadrice te sortis de ta rêverie, et tu haussais un sourcil à l'écoute de sa réponse, plus que mélancolique. « Plus tu attends, plus il sera difficile d'avancer et de te convaincre de faire changer les choses entre vous. » Compréhensive et rassurante, tu posais ta main sur l'épaule de Simone, te glissant un peu plus près d'elle. « S'il ne voit en toi que sa petite sœur... C'est qu'il n'a pas bien regardé celle que tu es aujourd'hui. » Reprenais-tu d'un ton plus suave, presque provocateur et charmeur. Scrutant l'assemblée des soldats regroupée en contrebas, très vite tu réussis à repérer la silhouette forte et virile d'Hadrian; ses longs cheveux roulant entre ses larges épaules, ses muscles encore frémissant de l'exercice terminé, la plastique sculpturale et plus que sensuelle habituellement cachée sous ses vêtements et, toi-même, tu ressentis une montée étouffante venant faire cuire tes joues. Secouant la tête, tu te raclais la gorge en ravalant difficilement; puis, sentant le calme te regagner, tu reprenais plus sérieusement. « Simone, cet homme donnerait sa vie pour toi, pour te protéger; et je pense que s'il te dit qu'il te considère comme sa sœur, c'est pour mieux vous protéger; l'un comme l'autre. » Refrénant un léger rire, tu donnais un léger coup de coude dans les côtes de ta voisine de promontoire, puis te penchais vers elle pour lui susurrer à l'oreille. « Les hommes ont beau être des experts en armes, avec leurs biceps sinueux; ce sont de véritables mijaurées lorsqu'il faut parler de sentiments ! Si tu n'essaies pas, ne compte pas sur lui pour faire le premier pas. » Et tu pouvais le lui certifier, parler avec expérience, te rappelant les longs mois d'apprivoisement durant lesquels, Rowenn et toi vous étiez rapprochés, sans jamais oser aborder le sujet le plus central de votre union: l'amour. Il avait fallu que tu te lances, toi, pour qu'il daigne admettre que quelque de plus fort qu'un simple attachement vous liez. Les hommes sont difficiles, parfois plus sensibles que ce qu'ils laissent paraître; aussi, les femmes avaient le devoir de les guider vers leurs sentiments profonds. Et ça, tu espérais le faire entendre à Simone.