Pourquoi se souvient-on du passé et pas du futur ? - Ansgar (TERMINEE)

Ansgar est né à Corona, en l'an 472. L'hiver fut plutôt rude cette année là, et la fin de grossesse de sa mère, compliquée. Son accouchement est long, douloureux, difficile, et elle s'éteindra deux jours après la naissance de son premier et unique fils. Son père, Gorge, est employé à la Garde Royale, et donc indisposé à élever correctement son rejeton, qu'il laisse alors à sa mère, Frieda. Elle est déjà âgée, mais elle ne tarira pas à la tâche, et saura inculquer à son petit-fils, toute l'éducation et les bonnes leçons dont pouvait avoir besoin un enfant de son rang. Il grandissait dans les rues de Corona, presque livré à lui même. Mais quand il deviendra un homme, il rejoindra le palais, la noblesse et la bourgeoisie, ainsi que la grande et honorable famille royale. Il se devait d'être éduqué, bien élevé, instruit. Il devra porter une étiquette anoblissante, et faire attention à son image. Alors qu'il prend conscience du poids de son avenir, Ansgar n'est qu'un enfant. Il a l'envie de jouer dans la rue, il a l'envie de rêver, d'espérer, d'imaginer aussi. Mais il comprend rapidement que tout cela lui sera interdit. Il aurait pu décider de ne pas suivre la voix qu'on lui a choisi. Il aurait pu décider de tout quitter et de se construire lui même. Mais Ansgar n'a qu'une ambition : Que sa mère soit fière de lui, qu'importe là ou elle soit. Ansgar n'est pas un enfant stupide, il est réfléchit, observateur. Il déduit bien rapidement les choses, enregistre très vite ce qu'il entend. Il n'a que 7 ans quand il commence à culpabiliser du décès de sa mère. N'est-ce pas sa faute ? Peut-être que c'est là, la raison des si rares visites de son père. Ne remet-il pas tout sur le dos de son fils, lui aussi ? Il se doit de prouver à son père, qu'il mérite lui aussi les honneurs, qu'il n'est pas mauvais. Alors il s'entraîne, avant même qu'on ne vienne le chercher.

En 485, Ansgar n'a que 13 ans quand il rejoint le palais royal. On le dit prêt à être un homme. C'est son père qui vient le chercher ce matin là. Il ne se sent pas préparé, il s'angoisse, ses yeux brillent. Ne peut-il pas rester encore quelque temps au près de "Grand-Ma" ? La vielle dame le rassure, comme toujours. Elle est à l'écoute avec lui, elle sait que son adolescence sera rude, et qu'il a besoin d'avoir une enfance heureuse, pleines de bons souvenirs aux quels se rattacher. "Ce sera dur, le chemin pour être un homme est long et semé d'embuches. Mais chaque victoire n'est honorable que si l'on se bat pour gagner. Celui qui aura tout sans un effort, ne méritera jamais sa couronne." Ho il n'a pas vaincu sa peur ce matin là, mais il a su faire d'elle, sa force.

Les premiers jours au château n'étaient en effet qu'épreuves et entraînements. Bons nombres de soldats présentaient leurs fils et leurs filles, dans le simple espoir d'en faire de valeureux Protecteurs, qui pourraient ainsi bénéficier à leur tour, d'une situation et d'une étiquette Noble. Peu d'entre eux y parvenaient. Ansgar se détachait du lot. Il n'avait pas la prétention d'être le premier, comme certains. Il n'avait pas l'assurance de planter sa flèche au beau milieu de la cible, comme d'autres. Il n'haussait pas le ton, pour mieux se faire remarquer. Ansgar était dans son coin, dans la file, dans les troupes. Mais son épée, il la maniait comme si elle avait toujours été scellée à son bras. Ses flèches, il les plantait au centre même de la cible. Et à la course de chevaux, il termine dans les premiers, alors que son destrier, il ne l'avait jamais rencontré. "Il a sa dans le sang" murmure alors le Capitaine. Trois plus tard, Ansgar rejoignait les équipes de formation.

Son père participe activement à ses entraînements. Jamais le jeune garçon n'avait passé autant de temps avec lui. Même les jours de repos, ils les passent dans les champs à parfaire leur maniement de l'épée. Ansgar en apprend un peu plus chaque jour, sur le métier, la vie de château, mais aussi son passé. Son père lui explique un beau matin, que certes il lui en a voulu les premières années, du décès de son épouse. Mais en aucun cas il pouvait ainsi rendre son propre fils coupable. Un fils qui le rend aujourd'hui si fier. Ansgar ne pourrait jamais s'empêcher de se reprocher la mort de sa mère, mais petit à petit, il s'en accommode, il vit avec.

Ansgar a 20 ans quand il entre officiellement dans les rangs de Protecteurs. D'abord dans la milice, pour faire ses preuves, et montrer ce dont il est capable. C'est à cette époque qu'il rencontre Georgina. Elle travaille dans l'épicerie de sa mère, qu'il est venu protéger plusieurs fois des pilleurs. Georgina est une femme douce, souriante, et accueillante. Lui et ses camarades reçoivent toujours un bon fruit ou une pâtisserie de ses mains, quand ils lui rendent visite. Elle a de la discussion, elle sait paraître. Il en tombe rapidement éperdument amoureux. Elle s'en rend bien compte, et amusée de ses visites, ses cadeaux et ses doux mots, elle se fait désirer. Mais un beau soir d'été, elle lui dit oui. Georgina est une femme rêveuse, aventureuse, et enjouée. Ansgar la voit bien au château, elle qui sait tant bien se tenir. Et de part son éducation, sa discussion, et son vocabulaire, il sait qu'elle pourrait parfaitement s'intégrer à la cour. Mais Georgina n'est pas de son avis. Elle sait que les nobles sont fausses, surfaites, et commères. De plus, elle ne peut pas abandonner sa pauvre mère et l'épicerie. Alors bien que mariées, ils vivront séparés. Il était prévu qu'à la mort de la mère de Georgina, son épouse rejoigne le palais, après avoir vendu le magasin. Mais l'histoire en a choisi autrement.

Bien que séparés, leur amour et leur attachement n'en souffrira jamais. Même sous les épreuves. En particulier celle de la magie. Georgina ne le lui avouera jamais vraiment, mais il l'a comprit tout seul. Elle est dans ses veines. Elle manie les herbes, mais pas seulement. Georgina ne fait qu'un avec la nature, elle communique avec elle, et peut la faire vivre comme la tuer d'une simple caresse. Georgina est bonne, attentionnée et aime la fragilité des fleurs. Elle en prend soin, elle la protège, comme elle protégerait ses propres enfants. Jamais ils n'auront abordé le sujet, parce que l'un comme l'autre savent pertinemment qu'il n'y a rien à en dire. Il l'aime comme elle est, et quelque part, elle le fascine. Il peut l'observer des heures parler à ses plantes, et en une simple caresse, faire apparaitre une fleur au bout d'une tige. Sa magie est belle, douce, et majestueuse. Georgina ne s'en servira jamais à de mauvais escients. La magie est un don du ciel qu'il faut chérir. Si dieu lui a confié un tel pouvoir, c'est qu'il a confiance en elle pour en faire quelque chose de bon. C'est peut-être aussi pour ça qu'elle refuse de l'accompagner au palais. Jusqu'ici.

En l'an 500, Georgina a enfin accepté de passer quelques jours à la cour, pour le solstice d'hiver. Profiter des festivités, de son époux, et le laisser la présenter au plus grand nombre. Ansgar et Georgina n'ont pas d'enfant, on commence à causer dans leur dos, et Georgina ne peut que reconnaître, qu'elle en est partie responsable. Elle décide de faire des efforts, des concessions. Elle est bien décidé cet hiver là. Ce sera le dernier sans qu'ils ne soient encore une famille. Ansgar doit la rejoindre dans la grande salle de bal. Elle est si jolie dans cette belle robe que lui a offert son époux. Il n'est pas doué en matière de mode, mais les femmes de la cour l'ont bien aidé. Ansgar est très apprécié, bien entouré, il a su se faire une place, une place bien méritée. Et s'il a plus de difficultés avec les hommes, qui veulent toujours montrer qu'ils valent mieux et que leur rang est dans leur sang, les femmes au contraire, apprécient sa compagnie. Ce fut pour elles, un réel plaisir que de l'aider à choyer et chérir son épouse. Cette robe scintille de décorations en fil doré. Elle est blanche, de soie et de tulle. Jamais Ansgar ne pourra en apprécier la beauté.

Il vient de quitter son poste, quand le premier cri retenti. Peut-être aurait-il dû courir jusqu'à la salle de bal, ou se trouvait la famille royale. Mais des cris, il commençait à y en avoir partout. Quand il intervient dans les appartement du Compte Grussten, il vient à bout d'un homme, ne cherchant qu'à enfoncer sa dague en plein cœur du pauvre homme. C'est là qu'il entend et comprend, pourquoi le château est proie aux massacres : "C'est un sorcier, laisse moi finir ce que j'ai à faire". Il ne prendra pas le temps de vérifier que le compte était encore en vie. Il n'a plus qu'une idée en tête : Georgina. Mais la salle du bal, il ne l'atteindra jamais. Sur son chemin, c'est un sorcier, sous capuche, qui apparait. Non, ce soir, ce ne sont pas les humains qui attaquent les sorciers, ni l'inversement. C'est un règlement de compte, une guerre, et chacun des deux camps est bien décidé à remporter la bataille. Il n'ira pas plus loin. Son épée est bien maigre face à la magie.

Il ne réveillera que le lendemain, chez le guérisseur. Entouré par des corps plaintifs, mourants, et parfois même, déjà éteints. Tous des camarades, des nobles, et parfois même, des membres de la famille royale. Georgina ? Il n'a pas de grandes forces, il ne peut que tituber, mais la salle du bal, il l'atteint enfin. On est en train d'évacuer les corps sans vie de la reine, du roi. Et De Georgina. Elle ne le lui aura jamais dit, elle voulait le faire ce soir là. Mais ils allaient être trois quelques mois plus tard.

La mort de Georgina a bien endurcit Ansgar. Lui si souriant et bon vivant, est devenu plus froid, et distant. Il ne s'amuse plus de grand chose, il n'a plus que son travail. Son père aussi a disparu le soir de la purge, en voulant protéger la reine. Grand-Ma elle, n'a tout simplement pas supporté les changements qu'a subits Corona. Elle s'est éteinte dans son sommeil, aussi sagement qu'elle a vécu. Que pourrait-il espérer maintenant ? Son père à son âge, avait encore l'ambition de faire de son fils, un brave homme, comme lui. Mais lui, il n'a rien, plus rien. Juste son métier, son rang, et son étiquette. Il est sérieux, investie. Un an après la Purge, il est gradé au rang de Capitaine de la Garde Royale. Il n'a jamais été certain de le mériter, après tout, le roi et la reine, il n'a pas su les protéger. Aujourd'hui encore, après la disparition de la princesse, il ne peut que tout remettre en question. Mais ce rang, il n'a que ça. Alors jamais il ne se laissera défaillir, et il s'est fait le promesse de retrouver la trace de la Princesse.