( louison h. ) | pray for good

Voilà, la première journée dans la nouvelle maison était finie. Après plusieurs années à vivre chez son oncle, Louison avait enfin pu acheter une petite maison dans le quartier commerçant. Le plus dur, ça a été de ramener ses grands meubles. Seigneur, que ce fut lourd... Maintenant que le plus gros était fait, elle s'était allumée un feu, pour se réchauffer de la fraicheur de la nuit, qui commençait à tomber sur la ville. Elle continua de déballer ses affaires : d'abord ses vêtements, qu'elle rangea soigneusement dans la petite commode de sa chambre, comme elles l'ont toujours étés. Puis la boîte qui contenait ses effets personnel. Dedans, elle y trouva quelque chose qui attira son attention... Un livre -ou plutôt un journal- qu'elle n'avait pas vu depuis déjà plusieurs années. C'était son journal intime, qu'elle avait commencé à écrire très jeune... À sept ans ? Peut-être huit ? Curieuse, elle ouvra le plat du journal intime en s'asseyant dans son fauteuil, et feuilleta les pages rigides du bout de ses doigts fins. La dernière page laissait un blanc sur les prochaines à venir : elle n'avait pas écrit dedans depuis ses vingt ans. En grandissant, elle a dû trouver ça stupide, ou bien elle a tout simplement eût moins de temps à elle pour raconter chaque soirs sa vie sur un morceau de papier. Il est vrai qu'elle s'était mise à travailler à partir de vingt ans dans le magasin de botanique de son quartier, et elle dû apprendre beaucoup de choses en très peu de temps ; l'étude des plantes et des végétaux est quelque chose de très complexe, et elle devait naturellement savoir ce qu'elle vendait à ses clients. Mais son travail lui plaisait beaucoup, elle était contente de s'être trouvée une occupation. Elle était loin de son souhait de rejoindre la garde royale, mais il fallait bien qu'elle démarre quelque part dans la vie... A cette pensée, elle jeta un oeil à au fourreau qui contenait son épée, soigneusement posée sur le côté de sa cheminée. Avec son déménagement, elle n'avait même pas pris le temps de s'exercer, moulinant la lame, travaillant son jeu de jambe et son équilibre. Il faudra qu'elle s'y remette rapidement, lorsqu'elle aura plus de temps pour elle. Elle plongea à nouveau son regard sur son vieux journal, et remonta les pages jusqu'aux premières.

 

Louison, dix ans a écrit:

Cher journal,

Aujourd'hui, c'était mon anniversaire. Avec papa et maman, nous sommes partis faire un tour au marché, nous avons rencontrés les voisins, puis nous avons joués tous les trois à la maison et dans le jardin. J'aimerais bien que papa ne parte pas au château, mais maman m'a dit que son travail allait être très important.

Elle changea de page à ce moment là. C'est vrai que jusqu'à ses dix ans, elle vivait avec ses deux parents dans leur belle maison, au sein du quartier bourgeois. Elle était amie avec des enfants de son âge, ses parents étaient à ses côtés... Mais son père quitta la milice pour rejoindre la garde royale : apparemment, c'était son rêve depuis qu'il était tout petit, et il sacrifia sa vie de famille pour honorer son serment de chevalier. Louison ne lui en voulait pas : elle aimait son père, et le respectait plus que n'importe qui au monde. Et en ce temps-là, Louison avait sa mère, avec qui elle passait également de très agréables moments.

Louison, onze ans a écrit:

Cher journal,

Je n'ai pas vu papa depuis plusieurs mois maintenant. Son travail lui prend beaucoup de temps. J'ai hâte qu'il revienne à la maison. Moi aussi, un jour, j'aimerais être comme lui, et je protègerais les gens.

J'ai parlé de ça à maman aujourd'hui : "quand je serais grande, je serais chevalier, comme mon père". Je pensais qu'elle allait être en colère contre moi, car si papa a déjà quitté la maison pour son travail, je la laisserais toute seule. Mais elle a été très contente, et m'a encouragée à poursuivre ce rêve, car d'après elle, papa est un excellent modèle.

C'est vrai. Sa mère l'avait toujours soutenue, quoi qu'elle fasse. La complicité qu'elles entretenaient avait toujours été une source de réconfort pour la jeune fille peu confiance mais pleine d'ambitions qu'elle était. Elle lui manquait.





Elle avança les pages un peu plus loin. Bien souvent, c'était des journées sans intérêt, ou au mieux des souvenirs d'enfants qui la faisait sourire toute seule, et parfois même rire. Jusqu'à l'époque de la Purge. À ce moment-là, elle n'écrit pas dans son journal avant plusieurs jours. Elle n'avait probablement pas la tête à ça.

Louison, quatorze ans a écrit:

Cher journal,

Maman est morte.

Des méchants sorciers ont mis le feu a des habitations du quartier. La notre ne fut pas épargnée. Je n'ai pas réussi à sortir de ma chambre, le brasier commençaient déjà à dévorer la porte. C'est un soldat de la milice qui a réussit à braver les flammes : il m'a attrapée par la taille et m'a sorti à toute vitesse de la maison. Mais maman n'a pas pu sortir. Je dors chez oncle depuis maintenant dix-sept jours, et mon père passe me voir dès qu'il en a l'occasion. Papa à l'air fort quand il est avec moi, mais je sais qu'il est très triste. Maman doit lui manquer autant qu'à moi. Mais son travail de garde l'a obligé à faire des choses horribles à des sorciers innocents. Je le sais, je l'ai entendu en parler à mon oncle. Je ne veux plus jamais revivre une nuit comme celle-ci.

Le coeur de Louison se serra alors qu'elle lisait la première ligne. Elle était bien plus solide qu'à ses quatorze ans, mais sa mère lui manquait toujours autant qu'avant. La vie n'était plus pareille maintenant qu'elle était partie. Après plusieurs années où elle prit le temps de rebondir, Louison fut acceptée pour travailler dans le magasin de botanique du quartier commerçant, tout en continuant de loger chez son oncle. Elle gardait cependant, malgré elle, une certaine rancoeur contre les sorciers. Elle savait qu'ils n'étaient pas tous mauvais, que le premier qu'elle rencontrera dans la rue ou dans son magasin n'était en rien responsable de l'incendie de sa maison... Mais elle se refuse d'accorder sa confiance à l'un d'entre eux. Ces personnes, qui ont un potentiel de destruction si immense, ne peuvent être dignes de réelle confiance.

Heureusement, ces temps de troubles semblaient à présent être résolus. Pas que pour elle, mais également pour l'ensemble des habitants du royaume. Les gens étaient toujours méfiants envers les sorciers, mais d'apparence, le royaume semblait en paix, loin de ces années de terreur. De son fauteuil, elle attrapa de quoi écrire et ouvrit une nouvelle page blanche de son journal :

Louison, vingt-trois ans a écrit:

Cher journal,

Aujourd'hui, tout va bien.