★ ... j'ai besoin de changer d'air... ★
Des cris, des chants et de la musique ; il était né en mer comme son père avant lui et comme sa cadette après lui. Prédestiné à une vie mouvementée, au gré et la volonté des vagues et océans ; à son tour, un jour il serait un pirate, tout comme son père et son père avant lui. Grandir toujours entouré d’monde, univers bruyant et toujours fourmillant de nouvelles expériences. Faisant la fierté de son père et de sa mère et montrant très tôt un amour pour la mer et pour tout ce dont elle pouvait receler. Danser sur des musiques rythmiques jusqu’aux lueurs de l’aube, peu d’règles mais un code d’honneur à respecter, le paradis d’un enfant sauvage comme Aedan. Le parfum du rhum et de la sueur, l’air iodé mais surtout les embruns, comme une drogue, le bonheur d’être en mer, de se sentir chez soi partout. Se balançant d’un cordage à un autre comme un singe, le prince des pirates grandit, évolue, progresse. Il s’endort le soir en écoutant les histoires des pirates dans les bras de sa mère balancé au rythme de la mer et se réveille inlassablement plein d’énergie pour une nouvelle aventure sur le pont. Enfant, il devait rester en retrait, il regardait avec curiosité les plus grand partir à l’abordage d’autres bateaux – de ceux qui voyagent inlassablement entre Andalasia et Corona et toujours plein d’belles surprises à s’partager ou revendre. Aedan s’impatientait d’pouvoir à son tour contribuer à la vie de son clan, d’être un jour le roi des pirates comme son père, petit prince deviendrait grand bien assez tôt. Observant le fonctionnement du bateau, l’Fossoyeur des mers serait un jour à lui, il le savait, il en connaissait chaque voilage et cordage mais surtout les meilleures cachettes. Enfant turbulent, rêvant d’aventures il en devenait presque intenable jusqu’à la chute, la terrible chute.
Des cheveux bruns et des yeux noisettes, elle était là pour l’rejoindre dans ses jeux et ses aventures d’enfant. Elle danserait avec lui dans les vents portant le Fossoyeur sur les flots, ils se cacheraient dans les endroits les plus improbables ensemble et ils régneraient sur les océans, elle serait son étoile polaire et le guiderait, elle était devenue son monde et il se jurait de la protéger coûte que coûte. Sa petite sœur, si jolie avec ses joues rondes et ses longues anglaises courant à pieds nus pour se blottir contre lui. Elle évoluait avec lui partageant ensemble les aventures de l’enfance, formant à deux une équipe inséparable, ils étaient imbattables. Leur amour serait immortel. Ils étaient si jeunes et innocents, ils ignoraient tout de la vie et du monde les entourant, vivant dans cette petite bulle qu'ils s'étaient créés. Aedan ne s’imaginait pas pouvoir être séparé d’elle un jour, la perdre de vue jusqu’à ce qu’elle disparaisse presque de son esprit ne restant plus qu’un doux visage en forme de cœur encadré de cheveux comme des rayons d’soleil.
Le soleil, la peau façonnée par la vie en mer ; assis sur le pont contre une caisse il observait le monde autour de lui s’activer, la rumeur avait murmuré qu’un bateau de marchandises allait quitter les côtes d’Andalasia en direction de Corona et tout le monde se préparait sauf Aedan, lui il n’avait pas le droit de partir, il resterait sur ce stupide bateau et devrait se contenter de voir le Fossoyeur s’éloigner avec son père à son bord, roi des pirates il les guiderait probablement jusqu’à sa mort. Il était d’humeur maussade et du bout du doigt grattait le sel qui s’était accumulé sur le bois, il en avait marre de rester en retrait et de regarder les adultes revenir en héro alors qu’il restait dans les jupes de sa mère. Sa cadette l’avait rejoint et s’était assise à côté de lui :
« Je m’ennuie. » Il avait opiné en soupirant lourdement. Ils regardèrent ensemble le Fossoyeur disparaître, juste un point à l’horizon. Le jeune garçon avait l’impression que son tour n’arriverait jamais et qu’il serait toujours enchaîné à ce bateau avec les autres enfants et les quelques femmes ne souhaitant plus partir. Sa seule consolation étant la présence de sa sœur.
L’ennui, le pire ennemi d’un enfant ; il n’avait que huit ans mais n’aspirait qu’à une seule chose, l’aventure. Aedan avait pris une décision, il ne resterait plus derrière alors il entraîna sa petite sœur et à deux ils se cachèrent dans la cale du Fossoyeur attendent patiemment le départ de celui-ci mais il ne se doutait pas de la violence, du sang, de la réalité du monde de la piraterie. Son père était un héro volant aux riches marchands pour nourrir et faire vivre son peuple, il ne s’imaginait pas les morts et la souffrance qui pouvait en découler. Blottis l’un contre l’autre ils étaient silencieux et ils écoutaient tous les sons autour d’eux à l’affut de l’abordage qui ne se fit pas attendre. Des cris, des bruits d’épées s’entrechoquant les unes aux autres, Aedan quitta sa cachette priant sa cadette de rester derrière lui car il commençait à s’inquiéter. Il quitta la cale du bateau et se dirigea vers le pont, le Fossoyeur était collé à un autre bateau aux voilures bordées de fils dorées, un magnifique bateau en somme. Il repéra rapidement son père guidé par sa voix, il se battait avec un homme en uniforme sans réalisé qu’à force de vandaliser la même zone ; Andalasia avait renforcé la sécurité à bord de ses bateaux. La bataille était sanglante et il vit des hommes et des femmes qu’il avait côtoyé toute sa vie tomber au combat. L'enfant en lui était terrorisé face à cette vision de la réalité.
L’odeur du sang mêlé aux embruns ; il s’était glissé sur le pont avançant précautionneusement mais un cri attira à nouveau son attention en direction de son père. Il était entouré de trois hommes à présent et se battait avec eux, encerclé, en danger. Le jeune Aedan attrapa un cordage, de ceux qu’il connaissait si bien et se balança du Fossoyeur au navire abordé, il ramassa une épée sur le sol et se jeta sur l’un des agresseurs de son père.
« Aedan, mais, que fais-tu là ? Non. Aedan, non ! » Mais c’était déjà trop tard, le gosse faisait déjà danser dans sa main son épée, se mouvant agilement pour éviter son attaquant et du haut de ses huit ans tua pour la première fois. Aedan ne réalisait pas son geste, guidé par le seul désir de protection envers son père, son regard croisa le sien et son cœur se serra dans sa poitrine. Il se retrouva malgré tout vite en position d’infériorité, après tout ils faisaient face à la garde et il n’était encore qu’un môme.
Le goût de la mer et du sang ; un coup d’coude dans le visage – ils ne savaient pas trop ce qu’ils devaient faire d’un gosse maniant une épée et même si au bout de celle-ci coulait encore des larmes de sang ils avaient préféré l’assommer. Se tenant sur le bord du bateau, l’coup retentit dans sa tête en un écho presque infini, un goût métallisé s’était alors répandu dans sa bouche, son corps quant à lui bascula en arrière. Son poids plume n’fit presque aucun son lorsqu’il entra en collision avec l’eau salée.
« Aedan » Il ne pouvait plus entendre la voix d’son père, il sombrait dans la mer agitée.
Balancé et ballotté par les flots ; son corps fut rejeté sur les côtés, petit être s’accrochant encore à la vie, la peau rongée par le sel, assoiffé, affaibli, il ne tint son salut qu’à un homme. Un homme assez bon que pour le soulever du sable et le porter, pour ne pas se soucier de la tenue du gamin et le ramener chez lui. Il savait qu’il ne ramenait pas un petit noble dans son foyer mais sans réellement se douter qu’il s’agissait d’un enfant de la piraterie. Le Commodore Odysseum était un homme juste mais dur et il avait offert à Aedan une seconde vie bien différente de la première. Loin du seul monde qu’il avait connu et dont il ne possédait que des bribes de souvenir, il ne pouvait pas pleurer ceux qu’il avait oublié. Le traumatisme du choc, de la chute et la violence des évènements avaient creusés un vide dans l’esprit d’Aedan le laissant dans une sorte d’étrange amnésie.
Une famille différente et un avenir opposé ; s’il était à l’origine voué à devenir à son tour l’roi des pirates à bord du Fossoyeur des mers son avenir en avait quant à lui décidé autrement. Entouré d’une nouvelle fratrie, vivant dans la noblesse, profitant de ses bénéfices sans subir ses contraintes. Il avait gagné un frère et deux sœurs ne se souvenant plus de sa cadette d’une autre vie, rien ni personne ne comptait à part Sylas. Partenaires de crime, ils étaient inséparables, le fils de la noblesse avait adopté le jeune pirate comme s’il avait toujours été son frère. Heureux d’en avoir enfin un. S’entrainant avec celui qui était comme son jumeau, formés à devenir un jour des soldats. Il montra rapidement un réel talent avec une épée à la main ne sachant pas d’où lui venait cette habilité sans pareil. Fourbe et stratégique comme ses ancêtres, se servant des faiblesses de son adversaire, l’étudiant jusque dans les moindres détails pour toujours savoir où sa frappe serait la plus mortelle. Ignorant qu’il devenait alors le parfait traître à son peuple.
A nouveau l’sang et le retour aux sources ; La purge apportant son lot de souffrance pour tout le monde, Aedan remonta à bord d’un bateau en compagnie de son frère et père adoptifs. Traversant les mers pour traquer ceux qui étaient à présent les ennemis numéro un. Il se retrouva à tuer les siens de la pointe de son épée ne réalisant pas à quel point il souillait ses racines. Il était à présent le fier fils d’un autre homme, il lui devait sa vie et sa lame lui appartiendrait à tout jamais. Une haine naissante envers les pirates et les sorciers était née, haine aveugle et probablement mal placée. Il voyait la dévastation qu’ils laissaient derrière eux, retournant les bateaux pour envoyer des équipages entiers s’noyer dans les abîmes profonds. Sa vie serait bien différente, qu’était devenu l’prince des pirates, l’héritier des mers ?
Pas du même sang et pourtant ; inséparable. Aedan ne quittait jamais son frère, il s’assurait de sa sécurité bien qu’il sache tout aussi aisément se défendre, protecteur, il pourrait tuer pour ses yeux bleus. C’était une évidence pour eux et lorsqu’il lui demanda d’être son second sa réponse fut aussi simple que ça : « à la vie à la mort Sylas. » Il fendrait les flots avec lui, retrouvant pied à bord d’un bateau, sa vie était intimement lié à la mer sans pour autant comprendre pourquoi. Il ne se sentait bien qu’en mer et aux côtés de Sylas, les deux étant indissociables. Sylas avait toujours été son meilleur ami, son confident, la seule personne avec laquelle il soit capable de s’ouvrir concernant le mystère entourant ses origines. Aedan avait besoin de lui pour vivre, il était sa seule attache sincère à ce monde dans lequel il évoluait sans jamais réellement se sentir à sa place.
Un parfum et des mèches comme de fins fils de bronze ; Aedan aimait vivre à cent à l’heure entraînant son meilleur ami dans ses sorties nocturnes et alcoolisées. Il s’était à de nombreuses reprises imaginé porté par les effluves du rhum se réveiller aux côtés de Sylas mais cette possibilité était toujours restée close dans son esprit, une sorte de réalité alternative. Il se noyait alors dans les bras de femmes, d’aventures et de quelques folies qu’il s’accordait jusqu’à ce qu’il la rencontre. Sa peau était pâle faisant ressortir ses lèvres rouges, son doux visage encadré par une chevelure comme formée de fils de bronze, elle était la définition de la beauté pour Aedan. Importunée dans la rue par un autre homme il avait à tort pensé qu’elle avait besoin de lui pour s’en sortir, il se trompait lourdement manquant de se prendre son petit poing dans l’visage. On pourrait appeler ça l’amour au premier regard, un courant électrique parcourant tout l’corps et l’âme jusqu’à ce qu’on en oublie son prénom. Il l’aimait d’un amour pur comme il n’avait jamais aimé auparavant et elle chamboulait sa vie entière, son univers. C’était une femme forte, de caractère, intelligente et bien éduquée, appartenant à la bourgeoisie. Elle tenait avec ses parents une boutique d’apothicaire, préparant des mixtures et autres concoctions. Il voulait faire d’elle sa femme, c’était son évidence, il se sentait à sa place près d’elle, son frère quant à lui se méfiait de la rapidité à laquelle elle semblait l’avoir ensorcelé.
La mer cette maîtresse qui ne partage pas ; un jour il avait décidé d’emmener celle qui faisait battre son cœur sur le petit bateau qu’il possédait – il s’en servait lorsqu’il voulait se retrouver seul en mer. Il voulait lui faire découvrir son univers à lui, lui présenter son monde et qu’elle comprenne son amour de la mer mais surtout lui demander d’être sienne à tout jamais. Le temps ne laissait pas présager un tel déluge et pourtant ils furent pris dans une tempête alors qu’il glissait à son doigts une bague de fiançailles. Cette tempête n’était pas normale mais il n’avait pas le temps de s’interroger sur son origine, il devait les ramener à bon port sains et saufs. Comme lui des années avant, elle bascula par-dessus bord, les vents étaient déchaînés mais il pouvait entendre au loin comme une mélopée, des incantations. Il eut beau se jeter à son tour à la mer, il ne retrouva jamais celle qu’il avait demandé en mariage et son bateau rejoint les profondeurs à son tour.
Sylas, son sauveur ; Il aurait pu à son tour sombre définitivement. Se noyer dans l’alcool fut sa première réaction après la nouvelle tragédie de sa vie, la seule dont il pouvait se souvenir. Sylas l’avait sauvé de ses ténèbres et même s’il cohabitait à présent avec ses démons il remontait petit à petit la pente, persuadé que sa belle ne lui avait pas été prise par hasard, victime d’une attaque de sorciers. Il se montrerait plus cruel et plus brutal, il les tuerait tous s’il le fallait, aux côtés de son frère il serait sans merci. Il retourna à ses habitudes, esprit libre, tentant d’oublier dans les bras d’autres ceux qu’il ne retrouverait plus jamais. Sylas était le seul à connaître la noirceur qui était née en lui, le seul à le comprendre vraiment tout entier, tout nu.
Seul sur le sable, les yeux dans les vagues ; bien étrange changement, voué à être un pirate et finir par devenir leur pire ennemi. Trahir tout ceux dont il a oublié les noms, des visages flous perdus dans les vagues, s’il avait su. Le destin a un étrange sens de l’humour, macabre sans doute. Glisser ses mains entre les grains tièdes et regarder la marée s’éloigner petit à petit, à reculons, cette vieille amie qui s’en va mais reviendra. Il lui appartient depuis le premier jour et même s’il ne comprend pas bien ce lien les unissant ; il sait qu’il mourra dans ses bras.
★ ... et mettre fin au mystère ! ★