Astrid ♦ Like I have no other hand to hold (terminée)

Il n’est pas aisé de vivre dans les quartiers mal famés de Corona. Encore moins lorsque l’on est une fillette et que l’on vit dans la rue, seule. C’est pourtant comme cela qu’a commencé la vie d’Astrid. Dans la crasse et la pauvreté, sans rien ni personne. De la ville de Corona, elle ne connaissait que les affreux endroits fréquentés par les gens que personne ne veut voir. Bandits, prostituées, mercenaires, ils formaient tous la seule famille que la petite blonde ait jamais connue, et dieu seul sait à quel point elle a pu les haïr.

Ils ont pourtant été essentiels à sa survie, au début. Parce qu’une enfant abandonnée, ca ne survit par miracle que dans les contes de fées. Non, Astrid a été élevée par un mercenaire bourru, sans jamais savoir qui étaient ses parents. Où étaient-ils ? Pourquoi avoir donné vie à un bébé pour le laisser comme un chien dans la rue ? Il y avait tant de questions, et si peu de réponses.

De la petite orpheline, on forgea une enfant forte et au caractère d’acier. Il n’y avait pas de place pour la tendresse, pas de place pour la faiblesse. Astrid devint rapidement froide, déterminée. De ses buts, personne ne pouvait la détourner. Ainsi elle apprit à se battre, d’abord en recevant des coups, ensuite en les rendant. La hargne, la rage, c’était là son meilleur moteur. Après tout, n’y avait-il pas plus injuste que la vie qu’elle vivait ? Oh comme elle en voulait à ses parents de ne pas lui avoir donné une vie décente, une vie convenable. Une vie où elle aurait pu manger à sa faim, sans être obligée de faire les poches des passants un peu trop dans la lune. Parce qu’on n’apprend pas que de belles choses, quand on vit dans la rue. Il y avait la faim, le froid, la peur parfois. Et cette envie incroyable de s’en sortir.

Un jour, il y eut un grand fracas dans les rues de la ville. Astrid avait à peine onze ans quand toute la population se mit à s’agiter, faisant régner la terreur partout. Il y avait ceux qui avaient peur, ceux qui se battaient, et les autres, indifférents. C’était pas son combat, celui des sorciers. Elle n’était qu’une enfant, qu’aurait-elle pu faire ? Non, il était plus important de profiter du chaos pour dérober quelque bijou, quelque nourriture. Des cris, elle ne put que se réjouir, tout en se demandant ce qu’avaient pu faire ces gens pour mériter un tel sort.

Dans les rues, la méfiance devint omniprésente après la Purge. Astrid se souvient des regards de travers, des murmures. Si le bas peuple de Corona n’était pas bien vu, ce fut pire une fois que chacun cherchait un sorcier derrière les traits de la moindre personne. Et comme un coup du sort, ce fut à cette période que la petite blonde découvrit qu’elle avait un don. Un don, sûrement pas un pouvoir. Parce qu’elle avait bien vu le sort que l’on réservait aux sorciers. Jamais elle ne serait comme eux, jamais. Et dans le déni, naquit la colère. Chaque jour, sa vie était rendue plus difficile par les contrôles permanents, et Astrid dût partir. Quitter la ville pour rejoindre le village, plus tranquille. Il était bien plus facile de se dissimuler à la garde. Seule, perdue, elle s’accrocha à son ressentiment. Oui, les sorciers étaient la cause de son malheur. Sa vie n’avait jamais été aussi difficile que dans ces temps-ci, où on risquait de la mettre au bûcher pour avoir volé la moindre pomme.

Et puis, Astrid finit par grandir. Difficilement, sans repères, mais quand même. La violence qui l’avait bercée avait aussi marqué son visage et son corps, sans jamais la mettre à terre pourtant. D’enfant, elle était devenue une femme, et elle ne craignait plus rien. Rien, hormis que quelqu’un découvre qu’elle possédait un don étrange. Don qu’elle reniait de toutes ses forces, bien qu’elle ne parvenait pas toujours à réfréner les visions étranges qu’elle avait au toucher d’un objet. Heureusement, il était des pouvoirs beaucoup plus voyant, et jamais personne ne comprit pourquoi la jeune femme était parfois prise de brusques maux de tête. Elle avait l’envie de revenir en ville, essayer de se construire une vie, une vraie. Mais rien ne paraissait possible alors qu’elle était au plus bas de l’échelle. Pour rien au monde elle n’aurait vendu son corps, et pourtant lasse de voler pour vivre, elle cherchait une issue à sa misérable situation.

Quelques mois passèrent, sans rien, et puis le hasard finit par poser une heureuse coïncidence sur sa route. Astrid errait dans les rues de la ville, quand elle entendit une voix d’homme qui hélait la foule. On recrutait des gens pour remplir la milice de Corona. Des gens entraînés au combat, des gens capables de se faire respecter… Si la jeune femme n’avait pas l’air faite pour ce genre d’occupation, elle se montra si tenace qu’on finit par accepter de lui faire passer les tests de sélection. Au combat au corps à corps, elle n’avait aucune difficulté, et elle connaissait si bien les bas fonds de Corona qu’elle n’avait aucune réticence à y remettre les pieds. Pour la première fois de sa vie, elle gagna réellement un salaire. Du haut de ses vingt-et-un ans, Astrid avait fini par se faire accepter dans la milice de Corona.