★ ... j'ai besoin de changer d'air... ★
they're burning all the witches even if you aren't oneEllerina a dix ans lorsqu'elle comprend que la paume de ses mains est capable de produire des flammes. Et qu'elle est la seule parmi ses amies à pouvoir le faire. Si elle en est d'abord très fière, sa mère lui apprend bien vite que cela doit rester secret. «
Ton don est précieux, Ella. Tu dois le protéger des autres qui ne le comprendraient pas. » La fillette hoche la tête d'un air entendu mais en réalité, le sens des paroles de sa maman lui échappe. Depuis qu'elle est toute petite, elle vit dans un monde moelleux et confortable, gâtée par deux parents qui la chérissent plus que tout. Elle porte de belles robes en soie, joue dans les jardins du palais avec ses amies et possède tellement de jouets que sa chambre ne peut pas tous les contenir. Alors elle ne comprend pas pourquoi elle devrait cacher à tout le monde qu'elle est
spéciale. Que risque-t-elle, après tout ? En tant que jeune noble, son destin est tout tracé à Corona et ce n'est certainement pas la chaleur au creux de ses paumes qui changera cela.
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Ellerina a quatorze ans lorsque le monde autour d'elle vole en éclat. Elle assiste au grand bal qui se tient en l'honneur de la fondation du royaume lorsque des dizaines d'hommes font irruption dans la salle et détruisent tout sur leur passage. Tandis que ses parents l'entraînent dans les couloirs du palais à la recherche d'un refuge, Ella regarde avec stupeur les hommes s'entretuer pour la première fois. Soudain, un pan de mur explose et les pierres qui s'écrasent au sol les séparent, sa mère et elle, de leur père. En relevant la tête, la jeune fille remarque à peine qu'un filet de sang coule le long de la tempe de sa mère. Non, ce qui la surprend le plus, ce sont ses yeux qui brillent d'une étrange lueur violette et les pierres, qui semblent être entrées en lévitation autour d'elles. Et la folle course-poursuite reprend mais cette fois-ci, les deux femmes ne sont plus les proies : les hommes s'écroulent dans leur sillon, frappés par de puissants jets de pierre. Ellerina court pendant ce qui lui semble être une éternité jusqu'à ce qu'elle ne sente plus la main de sa mère au creux de la sienne. Se retournant, elle découvre avec horreur sa mère acculée par plusieurs hommes dont elle ne distingue pas le visage mais qui portent les couleurs de Corona. «
Maman ! » hurle-t-elle tandis que ses mains se mettent soudain à brûler. Pour sauver sa mère, elle sait qu'elle serait capable de mettre le feu à tout le palais. Mais alors qu'elle est prête à projeter les flammes sur ses assaillants, sa mère secoue lentement la tête. «
Sauve-toi. » lui demande-t-elle en articulant à peine les lèvres. Comme Ellerina ne bouge pas, pétrifiée par la surprise et l'horreur, sa mère se met soudain à hurler. «
ELLERINA, SAUVE-TOI ! » Tout en sachant qu'elle se détestera pour cela le reste de sa vie, Ellerina prend ses jambes à son cou, abandonnant sa mère à son sort. Elle ne comprend plus rien. Qui sont ces hommes qui ont attaqué le palais et pourquoi sa mère est-elle traitée comme une criminelle alors qu'elle essayait seulement de se défendre ? Un cri bestial s'échappe de la bouche d'Ellerina qui s'effondre finalement au sol, le souffle court. Elle espère que personne ne la trouvera jamais et que la souffrance qui dévore sa poitrine disparaîtra pour toujours.
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Ellerina a vingt ans lorsqu'elle décide qu'elle est un monstre. Un monstre qui a laissé mourir sa mère, un monstre qui pourrait faire brûler une pièce entière si elle le souhaitait. Elle déteste la chaleur de ses mains et le fait que sa mère soit morte comme une criminelle, une sorcière renégate. «
Pourquoi est-ce que ne s'enfuit pas ? Pourquoi est-ce que tu me forces à rester ici ? » demande-t-elle à son père à chaque fois qu'ils se disputent (ce qui arrive de plus en plus ces temps-ci). «
Si on avait quitté le royaume après la Purge, cela aurait immédiatement fait de nous des coupables. Et ils nous auraient retrouvés. Rester ici est notre meilleure chance. » Cet argument rend Ellerina folle de rage. «
En laissant maman porter le chapeau pour tout ce qui s'est passé ? Tu trouves que c'est juste ? » Son père ne répond rien. Ellerina sait qu'il souffre autant qu'elle de la mort de sa mère mais elle ne peut s'empêcher de remuer le couteau dans la plaie. Selon elle, son père n'a rien fait pour protéger sa mère et le déteste pour cela. Pire encore, il s'est remarié deux ans après avec une femme plus jeune, comme si sa première femme n'avait jamais existé. «
Et puis, c'est ridicule ! Tout le monde sait que je suis une sorcière. Pourquoi est-ce qu'ils ne m'arrêtent pas si je suis si dangereuse que ça ? » «
Parce que tu as la chance de faire partie de la famille Blumenthal. Tant que tu n'utilises pas tes pouvoirs, tu ne crains rien. » Encore une raison supplémentaire pour Ellerina de se haïr. Au village, des hommes sont tués parce qu'ils sont nés avec un pouvoir mais elle, petite Blumenthal, est protégée par son rang et la richesse de sa famille. C'est injuste mais la vie à Corona est ainsi. Alors Ellerina tente d'oublier les flammes dans ses mains mais sait qu'elle ne pourra jamais redevenir la fillette innocente qu'elle était auparavant.
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Ellerina a vingt-quatre ans lorsqu'elle apprend qu'elle va devoir épouser un homme qu'elle ne connaît pas. «
C'est hors de question. Je t'ai déjà donné mon point de vue, je refuse de me marier avec un inconnu. Je sais que tu as l'habitude de manipuler les gens à ta guise mais je ne suis pas n'importe qui. » «
Arrête de jouer les petites filles capricieuses. Cela fait des années que tu repousses tous les prétendants que je te propose. Tu savais qu'un jour ou l'autre, tu serais forcée de te marier. » lui répond son père d'un ton qui ne souffre d'aucune réplique. «
Forcée de me marier ? Je ne suis pas comme toi, père. Je n'ai pas besoin de m'accrocher désespérément à quelqu'un, comme tu le fais avec ta chère épouse. » La main de son père claque brutalement sur sa joue. «
Tu es incontrôlable, insolente et capricieuse. Je te donne en mariage parce que si tu restes seule, tu cours à ta propre perte. »
Peut-être que c'est justement ce que je souhaite. Les prunelles d'Ellerina lance des éclairs mais elle reste impassible, malgré la douleur cuisante sur sa joue. Elle ne peut peut-être rien faire contre la décision de son père mais elle est bien décidée à lui compliquer la tâche le plus possible. Parfois, elle se souvient de son enfance dorée et de ses rêves de petite fille. La petite Ellerina aurait été aux anges d'épouser un bel inconnu mais cette Ellerina-là est morte depuis longtemps. Elle a été remplacée par une femme au cœur dur et froid comme la pierre, mais dont les mains rougeoient de plus en plus fort chaque jour et qui attend de pouvoir prendre enfin sa revanche.
★ ... et mettre fin au mystère ! ★