★ ... j'ai besoin de changer d'air... ★
Arendelle, an 494.«
Pourquoi on quitte Arendelle maman ? » La question me paraissait légitime. Arendelle était le plus beau des royaumes à mes yeux et j'en savais quelque chose puisque j'avais eu l'occasion de me rendre dans celui de Beaumont et d'Andalasia cette année-là. «
Parce que ma sœur a besoin de moi Pâris, tu le sais déjà alors maintenant, fais tes affaires. » Triste, je l'étais. Triste de quitter une maison dans laquelle j'avais passé les sept premières années de ma vie, triste de devoir tout recommencer de zéro dans un royaume ou, de toute évidence, ma mère et moi n'auraient pas notre place. Quoique, moi oui, mais elle... «
Elle sera contente de te voir en plus, aller, souris s'il te plaît. » Je lui tirais à langue – mais gentiment – avant de fermer mon bagage. Ma mère était une sorcière. Le genre de sorcière qui avait reçu comme don de communiquer avec la nature et du haut de mes sept ans, il n'y avait rien de plus classe. Moi non, j'avais tout hérité de ma mère, mais pas ça, à mon plus grand regret. Ici, à Arendelle, les sorciers comme la magie étaient bien vus. Là où nous allions... Disons que les choses étaient différentes. Mais ma mère n'y voyait pas d'objection. Sa sœur avait besoin d'elle, elle y allait, point barre.
Corona, an 494.La vérité était que ma tante était gravement malade et que sa sœur étant sa seule famille, nous nous retrouvions à partager le même toit pour l'accompagner dans ces derniers jours. Ou semaine. Je n'en savais rien et à sept ans, j'étais encore assez égoïste pour me dire que de toute façon, elle allait guérir, comme le faisaient les gens malades. «
Hé toi ! » Un bout de branche me percuta la jambe et je me raccrochais à la branche sur laquelle j'étais assis en califourchon pour ne pas tomber. «
Ouais, toi ! » La fille qui avait parlé me rejeta un autre bout de bois sur la jambe et croisa les bras. «
Descends, t'es sur notre arbre. » «
Certainement pas. Et d'abord... les arbres, c'est à tout le monde. » Je plissais les yeux avant de distinguer une autre personne à côté d'elle. Son frère sans doute vu les similitudes entre leurs deux visages. D'ailleurs la fille lui jeta un regard courroucé, comme si elle attendait qu'il prenne le relais. C'était peut-être eux qui avait gravé cet arbre sur le tronc. J'avais noté la présence de quelques dessins et deux initiales. Venais-je de tomber sur les deux caïds-artistes du coin ? Deux secondes plus tard j'étais au pied de leur arbre chéri. «
En fait, vous êtes drôlement petits, même vu d'ici. » Aucun des deux ne répondit, visiblement ma remarque avait fait mouche et le garçon avait attrapé la main de sa sœur, comme pour se sentir bien. Sans rien rajouter de plus, je les laissais là, devant
leur arbre. Je n'avais aucune envie de me faire des potes, et encore moins des ennemis. Après tout, je n'allais pas rester dans cette ville bien longtemps, une fois ma tante guérie, nous repartirons à Arendelle.
Corona, an 495.«
Morte ? » «
Je suis désolée Pâris. » Ma mère me regardait d'un air vide, sans expression. Sa sœur était partie. Elle n'avait jamais pu guérir en fin de compte. Et la présence de ma mère n'avait rien pu faire, la mienne non plus. «
Elle était contente de nous savoir là pour elle, tu sais... » Et je savais déjà ce qu'elle allait me baratiner ensuite. Qu'elle aurait aimé que je me fasse des amis ici, que je trouve ma place à Corona. «
Je vais rester ici Pâris. Je vais reprendre les affaires de ma sœur en sa mémoire. » Ce soir-là, je compris que ma chouette vie d'enfant d'Arendelle avait bel et bien pris fin. Et ce fut à mon tour de fondre en larmes.
«
Mais c'est le gars de l'arbre on dirait... » Une voix traînante retentit juste derrière moi. J'avais une fois de plus quitté la maison pour errer la journée entière dans les rues de Corona, à la recherche de quelque chose à faire. Je fuyais ma mère, trop triste pour être de bonne humeur, elle me donnait le cafard. «
Tient, les nains... » Les revoilà. Encore habillé de la même façon. La sœur lança un regard désolé à son frère avant de prendre la parole à son tour. «
Nous sommes désolés pour l'arbre. » Ça faisait
trois mois. En trois mois ils n'étaient pas passés à autre chose ces deux-là ? Moi si. «
Euh... D'accord. » «
Tu nous excuses ? » La voix traînante du gars une nouvelle fois. «
Ouais ouais... » J'étais à moitié emballé, je voulais juste qu'ils partent pour continuer d'errer sans but. «
Super ! » Et sans que j'y comprenne quoique se soit, ils m'avaient sauté (tous les deux) dans les bras. «
Alors on va être amis ! » «
Ouais ! » «
Heu je... » «
Je suis Leni ! Et mon frère c'est Alix. » «
Pâris, e-enchanté ? » Est-ce que je venais de tomber sur deux fous ? La fille avait l'air plus emballée que le gars, sans doute était-il plus raisonnable que sa sœur mais en tout cas... Je décidais de faire un effort, comme ma tante l'avait souhaité. Mon visage se fendit en un sourire quelque peu forcé quand elle continua de me bombarder de questions sur mes origines, ma famille et tout un tas de trucs. En fin de compte, j'étais peut-être seulement tombé sur deux enfants en manque d'amis, comme moi.
Corona, an 499.«
Tu vas arrêter de pousser un jour Pâris ? » «
C'pas de ma faute si je grandis avant tout le monde. Promis, un jour tous les trois on pourra se regarder dans les yeux sans trop d'efforts. » Alix rigola et Leni leva les yeux au ciel. Les jumeaux - oui, parce qu'ils l'étaient bel et bien – étaient devenus... mes meilleurs amis. Aussi étrange que cela puisse paraître. Alix avait appris la mort de ma tante et s'était montrée sympa et Leni, fidèle à elle-même avait suivi le mouvement. Si au départ j'avais été récitent de fréquenter ces deux gamins que personne ne voulait dans son cercle d'amis, j'y avais pris goût. Ils passaient autant de temps chez moi que chez eux, voire plus. Alix était le frère que j'aurais aimé avoir et Leni la sœur collante mais adorable que j'aimais aussi plus que tout. Nous n'étions que des gamins, et la vie me semblait enfin correcte ici. De mon côté j'avais réussi à oublier un peu Arendelle. Évidemment, comment pouvais-je me douter que ces deux-là me mentaient depuis le début ?
«
Ta mère est une sorcière ? » «
Ouais. » «
C'est génial ça ! » Je haussais les épaules, sans grande conviction. Sa magie, ma mère ne l'utilisait plus vraiment depuis note arrivée à Corona. Les gens n'avaient pas le même regard sur la magie. Mais Alix et Leni semblaient fascinés.
Pâris, nous aurions bien aimé te le dire mon frère et moi. Mais c'était un secret bien gardé, qui restait entre nos parents et nous. Mais nous étions comme elle Pâris, et j'avais envie de te le dire tous les jours, à chaque fois que l'on se voyait ! Corona, an 500.«
Ne me laissez pas là les gars ! » «
C'est un jeu Pâris ! Tu te libères, et le temps que tu y arrives, on aura fini ta surprise ! » «
C'est un bizutage pour mes treize ans oui ! » Alix rigola et s'enfonça un peu plus dans les bois avec sa sœur. Je les regardais s'éloigner, les sourcils froncés, toujours ligoté à mon arbre. Ça, c'était un jeu débile de Leni. Le coup de je t'accroche, tu as cinq minutes pour te libérer et après, tu nous trouves, nous et notre surprise. Ce soir-là la nuit tomba trop rapidement, et je restais une heure à attendre. Les cinq premières minutes défilèrent rapidement, c'était un jeu débile, ils allaient revenir. Sauf que non. Dix minutes. Vingt minutes. Trente. Quarante. Et puis cinquante, soixante... «
Pâris ! » La voix d'Alix me sortis de la rêverie dans laquelle j'étais plongé malgré moi et il se jeta sur mes liens. «
P-pa... » «
Ce n'était pas drôle Alix, mais si c'était pour juger de ma résistance au froid... » «
Le vi-villa... » «
Quoi ? » «
Ils sont tous devenus fous... » «
Où est Leni ? » «
J-je... » Il m'avait pris par le bras et nous nous étions alors mis à courir, comme si notre vie en dépendait.
«
Maman ? » Ma maison avait été ravagé. Et à l’intérieur, personne. Et ce ne fut qu'à ce moment-là que je vis qu'il avait les mains en sang. Où était sa sœur bon sang ? «
Où est ma mère ? » «
Les gens sont devenus fous, ils ont tué tellement de gens, nos parents i-ils... » Ma tête allait exploser. Je me sentais vaciller légèrement et je me cramponnais à la table du salon qui avait été renversé. «
Ma mère n'a pas pu mourir, elle a dû fuir. » «
C'est ce que je me suis dit... » Alix me regardait d'un air étrange. Les yeux tristes, les bras ballants le long du corps, il baissa la tête avant de sécher une larme qui avait coulé sur sa joue. «
On va faire quoi ? » «
Ma mère reviendra nous chercher. »
Corona, an 502.Ma mère n'était jamais revenue. Ni Leni. Alix, tout comme moi, refusait de les croire mortes. J'avais quitté ma maison, il avait quitté la sienne et on erra. Ce fut à Arendelle que je décidais d'aller dans un premier lieu, mais je n'y restais que peu de temps. Les enfants sans parents, sans devenir, sans rien... Voilà ce que nous étions. «
Tu vas me protéger hein ? Si jamais on croise des brigands sur la route où... » «
Ne t'inquiète pas. » On avait beau avoir le même âge, Alix avait un don pour se réfugier sous mes jupes dès que le danger pointait le bout de son nez. «
On est obligé de faire ça ? » «
De voler la grosse dame ? Ben ouais. Sauf si tu veux avoir faim, encore et porter ce que tu as sur le dos pendant les dix prochaines années. » Il jouait les saintes-nitouches, et ça me gonflait par moment. Mais il était la seule famille qui me restait. «
Si c'est une arnaque... » «
Écoute, le gars avait l'air de bonne parole. » D'accord, je parlais d'un homme qui m'avait embauché pour voler une pauvre femme. Mais bon. Pour moi ce n'était que passager. Je n'allais pas passer ma vie à ça.
Corona, an 510.En réalité si, j'y avais pris goût. Et Alix aussi. Et notre vie était plutôt bien rodée. Elle avait pris des chemins séparés il y a un an quand Alix m'avait avoué vouloir trouver un travail honnête mais nous n'avions pas arrêté de nous côtoyer pour autant. Il était la seule famille que j'avais, la seule personne à qui je me confiais à et qui je vouais une confiance aveugle. Parfois je repensais à sa sœur portée disparue depuis la purge et je sentais mon cœur se serrer. Quelque part au fond de moi, je m'en voulais de l'avoir traité d'idiote cette nuit-là. C'était la dernière parole que je lui avais adressée. «
Alors t'accepte ou pas ? » «
Oui oui, pardon, j'étais ailleurs... » «
Ils sont riches comme Crésus et leur fille... leur fille ne verra rien venir, ce n'est pas très compliqué. » Ce n'était qu'une mission de plus. Voler, encore et toujours. Mais puisque j'aimais ça, je ne refusais jamais. Je n'avais pas hérité de don comme ma mère, en tout cas, pas ce genre de don, mais voler sans me faire prendre, je savais faire. Me batte aussi, ce qui pouvait toujours s'avérer utile. Sauf que cette fois-ci, j'en fus incapable. Tout commençait pourtant bien. Mais quand je vis son visage, mon cœur loupa plusieurs battements. Parce que Leni était juste là, à quelques mètres de mois, endormie. Sauf que ça en pouvait pas être elle. Après des années à penser qu'elle était partie, loin de nous, Alix et moi avaient convenu que sa sœur avait bel et bien disparu. Alors que faisait-elle là ? Ça ne pouvait
pas être Leni. Pas
ici depuis tant d'années. Et puis d'ailleurs, Leni était plus petite, elle avait des couettes et était plate comme une anguille. Pas comme cette fille. Elle ne pouvait pas être Leni. J'avais échoué ce soir-là, j'étais rentré bredouille. J'avais envie de le dire à Alix. Mais quelque chose en moi m'en empêchait. Pourtant sa sœur était là, vivante. Alors peut-être que quelque part, ma mère m'attendait toujours ?
Si tu savais Pâris le nombre de fois où j'avais eu envie de te coller mon poing dans la figure, de t'arracher cet air suffisant. Mais je ne l'avais jamais fait, tu sais pourquoi ? Parce que tu étais un bon garçon. Gentil et plein de bonnes intentions. Tu avais cru à mon numéro de garçon fragile et ça, je m'en félicitais un peu plus chaque jour. Je ne voulais pas que tu vois la personne que j'étais. Ni celle qu'était ma sœur. Je sais que tu l'as revu l'autre jour, elle me l'a dit parce qu'elle t'a vu elle aussi, à sa fenêtre. Crois-moi Pâris, elle n'a aucune envie de se retrouver face à toi, pas après cette nuit-là. On s'en veut tous les deux Pâris, pour tout. On aurait pu aider ta mère, je sais que tu as toujours ravalé ce sentiment pour toi : celui qui t'aurais fait dire que sans notre jeu débile tu aurais pu être là pour elle. C'est peut-être vrai. Ce qui est sûr c'est que Leni et moi aurions dû cesser de graviter autour de toi bien avant ce drame, ce n'était pas pour rien que nous n'avions pas d'amis. Nous avons toujours porté la poisse, nous et notre magie. ★ ... et mettre fin au mystère ! ★