★ ... j'ai besoin de changer d'air... ★
T'es pas née sur terre, fille d'un pirate, lui même fils de pirate et petit fils de pirate et de sa femme. T'a toujours eu ça dans le sang.T'a été bercée par le mouvement des vagues sur la coque de votre navire. Tu te réveillais au cri des mouettes dans le ciel et l'odeur des embruns salés venaient te chatouiller le nez. Tes comptines d'enfants étaient les chants de marins. T'étais pas la seule gamine à bord, il y avait aussi ton grand frère avec toi, lui qui avait deux ans de plus de toi et avec qui tu t'amusais à jouer aux mini pirates. Vos duels avec vos épées faites de bois, se terminaient toujours par une victoire de l’aîné. Tu boudais à chaque fois, déçue d'avoir perdu et les chatouilles qu'il te faisait, te faisait rire aux larmes. Tout comme lui t'as appris à grimper aux cordages, tu t’abîmais les mains, t'a fais plus d'une chute, des frayeurs à ta mère et à ton père. Ça ne t'empêchais pas de recommencer encore et encore. Ton frère était le Prince des Pirates, toi tu étais la Princesse. Un jour il hériterait du bateau de votre père, le Fossoyeur des Mers et tu irais avec lui. T'admirais le Fossoyeur, ton regard ne pouvait se détacher de ce somptueux navire quand il partait pour aborder les navires commerçant entre Andalasia et Corona.
Ton frère était ton meilleur ami. Tu l'aimais plus que tout. Toujours présent pour te réconforter quand tu te sentais triste. Il te soutenait quand tu te faisait punir pour avoir sifflé un peu de rhum dans les verres de rhum qui traînaient trop prêt de ta portée. Il était ton meilleur allié, si l'un faisait des bêtises, l'autre n'était pas loin derrière. A vous deux, vous étiez une équipe soudée. Ton père s'amusait de vous voir ainsi, aussi complice. Ta mère même quand elle vous réprimandait, ne pouvait s'empêcher d'être touchée par ce lien qui vous unissait. Dans tes rêves de petite fille, tu ne rêvais pas du Prince Charmant. Toi c'était ton frère le héros de tes histoires. T'étais encore une enfant qui rêve en grand. Jamais t'aurais pu t'imaginer le perdre un jour, pas même dans tes pires cauchemars. Jamais. Aedan et Aisling toujours ensemble, toujours.
Lors des abordages que faisait le Fossoyeur, toi et Aedan vous ne pouviez qu'être les spectateurs parmi les autres enfants qui vivaient avec vous. Il était assis sur une caisse et avait ce regard ennuyé dans les yeux. Tu avais le même lorsque tu l'avais rejoint. Tout comme les autres enfants qui vivaient avec vous, vous n'étiez que les spectateurs, jamais acteur. Cette situation ne te plaisait pas. Tu voulais participer aux abordages, rentrée dans la mêlée. Tout comme ton frère. Toi aussi tu voulais être acclamée mais aux lieu de ça, Aedan et toi vous deviez restée collée à votre mère et regarder le Fossoyeur s'éloigner, devenir un point minuscule au lointain.
T'avais six ans quand le drame s'est passé. Un nouvel abordage était prévu. T'étais assez petite pour te faufiler partout dans le navire et t'avais laissé tes oreilles indiscrètes écouter les conversations des grands. Tu savais à quel moment le Fossoyeur allait attaquer. Mais c'était pas assez pour toi, tu voulais vivre et non regarder à nouveau le bateau s'éloigner encore une fois. Ton frère avait eu l'idée de vous cacher discrètement dans la cale du Fossoyeur. T'a pas hésité une seconde avant de l'accompagner dans ses plans. Il ne vous restait plus qu'a attendre que le bateau parte à l'assaut. T'avais fini par t'endormir avant le moment tant attendu. C'est la voix de ton père qui criait ses ordres aux hommes et aux femmes qui l'accompagnaient qui t'avait réveillé. T'avais alors un mauvais pressentiment, ton frère te demanda de rester dans la cale pendant qu'il se dirigeait sur le pont. Encore une fois tu te retrouvais spectatrice, sauf que ton frère quand il te disais quelque chose tu le faisais. La tension montaient, t'entendais des cris, des hurlements. T'avais jamais eu aussi peur. Les minutes étaient si longues, où était il ? Alors t'es sortie de ta cachette et tu les as rejoins sur le pont . L'odeur du sang se mêlait à celle de l'eau salé, les cris aux bruits du métal des épées qui s'entrechoquait. Tout allait si vite, bien trop vite. T'a juste eu le temps d'entendre ton père crier :
- Non Aedan, non !
T'a voulu le rejoindre alors qu'il suspendu sur la corde qui amenait vers l'autre navire, celui qui était sabordé. Mais un homme de ton père t'attrapa pendant ta course, t'empêchant ainsi de rejoindre ton grand frère. T'a pu qu'assister à la chute d'Aedan, prisonnière des bras qui te retenait. T'étais devenue folle, les petits coups de poings et coups de pieds que tu faisait subir à l'homme qui te gardait n'y changeait pas grand chose. Il te tenait fermement. Ton père lui hurlant de ne pas te lâcher, de t'amener loin de ce triste spectacle. Quand ton frère à disparu de ta vision, une partie de toi avait disparue aussi.
Tout était si vide et si ennuyeux depuis que ton frère avait disparu. Pour tes parents il était mort, ton père l'avait vu englouti par les vagues après que sa tête ait cogné le métal. T'arrivais pas à te faire à cette idée. Aeden ne pouvait pas être mort, c'était inimaginable pour toi. C'était pas comme ça dans tes rêves d'enfants, vous étiez sensés devenir des grands pirates. Lui devait devenir le Roi, pas être noyé au fond de l'océan. Tes parents ne voulaient pas revivre cette horreur une nouvelle fois, alors t'étais étroitement surveillée, toujours un adulte pour garder un œil sur toi. Tu pouvais pas t'échapper, quitter une nouvelle fois le navire où tu étais avec ta mère. Avant chaque abordage que faisait le Fossoyeurs, les cales et les moindres cachettes étaient scrupuleusement fouillée, afin de voir que tu ne t'y trouvais pas. Tu te sentais prisonnière. Pourquoi ton frère, pourquoi pas toi ? La petite fille aventureuse était devenue une prisonnière. Une princesse des contes de fées qui ne te plaisais pas.
T'avais dix ans quand ta vie pris un nouveau tournant. C’était un jour calme, pas de sabordage en vue pour le Fossoyeurs. Le repas était succulent, le poulet mariné du cuistot à bord était un véritable délice. Le festin fut arrêté lorsqu'un autre navire pirate vous avaient abordé. C'était une femme qui en était la capitaine, t'admirais son charisme, la façon dont elle menait ses hommes à l'assaut. Et puis le silence, elle se dirigea vers ta mère et ton père. Tu craignais de les voir mourir sous tes yeux, t'étais prête à attaquer les assaillants, t'avais pas peur. Elle jetta alors un œil sur toi et se mit à taper l'épaule de ton paternel.
- Vous avez réussi à faire une jolie petite fille, je savais bien que j'avais eu raison de te laisser filer avec lui.
Elle avait dit ces mots à ta mère. Toi tu n'y comprenais plus grands choses. Les voir bavarder ensemble l'air de rien, ça te faisait bizzare. Puis la femme se baissa à ta hauteur et d'une voix douce te demanda quel était ton rêve. Tu lui avais alors répondu d'une voix triste :
- Je veux être une pirate comme toi madame, mais mon papa et ma maman ils ne veulent pas. Je m'ennuie quand papa fait des sabordages, je veux en faire avec lui, mais j'ai pas le droit.
Elle te caressa alors les cheveux, avant de se relever rapidement et de s'adresser à nouveau à tes parents. Son visage s'était fermé pendant que tu écoutais la conversation ou des jurons partaient dans tous les sens.
- Vous avez toujours voulu être libres et vous privez votre enfant de sa liberté ? Moi qui vous pensais pirates, vous êtes comme ces gens contre qui nous nous battons ! N'avez-vous pas honte ?
- J'ai déjà perdu mon fils, ça ne recommencera pas !
Tu sentais ton père devenir faible au trémolo dans sa voix.
- Mais tu vois pas que ta fille c'est comme ça que tu va la perdre ? A l'empêcher d'être ce à quoi elle aspire vraiment ? A la brider ? Tu crois que j'en serais là aujourd'hui si mon père m'avait empêché d'être celle que je voulais être ? Tu crois que nous aurions pu passer des moments à pirater ensemble et à faire la fête dans notre jeunesse si il m'avait empêché de vivre ? Si ton père avait eut la même réaction, crois-tu que vous vous seriez rencontrés ?
Elle te posa alors une question, toute simple :
- Veux tu devenir une pirate sur mon navire ? Je t'apprendrais le métier.
Tu lui avais répondu par l'affirmative en hochant la tête de haut en bas. Tu lançais alors un regard à tes parents. Ils avaient compris où était ta place. Le petit oiseau devait quitter le nid. La femme s'adressa alors à nouveau à ton père :
- T'en fais pas, je prendrais soin d'elle. Je te dois bien ça. Bon alors tu me le fais goûter ce nouveau rhum de ta réserve ?
Ainsi donc s'achevait le dernier repas avec tes parents. Avant de partir tu les serrais une nouvelle fois dans tes petits bras. Un dernier câlin avant un au revoir où tu leur avais dis à chacun que tu les aimais.
Dans l'équipage de la Capitaine tu étais une simple moussaillon. Tu n'étais pas la fille du Roi des Mers, tu vivais comme les autres. Tu trimais comme tout le monde, pas de favoritisme. Il y avait aussi ce garçon de sept ans de plus que toi, Liesl. T'a eu une affinité particulière avec lui. Les épées de bois avait été remplacées par celle en fer et t'a appris à t’entraîner au sabres. Tu t’entraînais à te battre avec lui et quand tu saignais, il pansait tes plaies. T'avais remarqué qu'il contrôlait l'eau, son pouvoir te fascinait, alors tu lui posais pleins de questions à ce sujet. Ta curiosité était insatiable. Il a été le premier au courant la première fois où tu as perdu ce sang qui faisait de toi une femme l'année de tes onze ans. Avec lui tu ne ressentais aucune honte. La capitaine ayant appris la nouvelle te conseilla dans ses moments, elle agissait comme ta mère l'aurait fait pour toi.
T'avais quatorze ans, une soirée trop arrosée et cet homme de l'équipage s'était approché trop prêt de toi. Tu sentais son odeur putride, son souffle nauseabond dans ta nuque. T'avais bu plus que de raison toi aussi. Mais tu ne pouvais pas bouger, t'étais tétanisée par la terreur. Tu savais ce qui t'attendais, redoutais le moment néfaste. Pourquoi t'avais quitté la grande tablée ? Si tu criais personne ne pouvait t'entendre. T'étais perdue. Et puis il est venu te sauver, Liesl. Tu l'as vu mettre une telle raclée à l'homme au point où l'idée de s'attaquer de nouveau à une jeune fille ne lui viendrait plus à l'esprit. Ça tournait dans ta tête, la nausée était devenu trop forte alors t'avais vomis tes tripes sur le bois. Ça te faisais un mal de chien. Il était là pour t'apaiser. T'a fini dans le lit de Liesl, lui confiant tout ce que tu avais dans le cœur. Le fait que tu sois la fille du Roi des Pirates et l'absence d'Aedan, ton frère qui te manque tant. Lui t'avais parlé de sa sœur Skala. Les souvenirs remontaient en surface. T'a pleuré contre lui, avant de t'endormir dans ses bras. Il n'y avait rien de plus entre vous. Depuis ce moment, il est devenu ton plus proche ami, ton confident. Dès que tu vivais une histoire d'amour avec un homme, ou une femme, il était le premier au courant. Il te conseillais bien souvent, et même si souvent tu ne l'écoutais pas, tu savais qu'il avait raison quand il te disais de te méfier de tels ou telles personnes. Il était là aussi pour éloigner les prétendants trop collés à toi.
La mutinerie a eut lieu quand t'avais vingt-six ans. Tu n'y a pas participé mais tu étais au courant et pourtant t'a rien dit. Tu savais que Liesl devait reprendre le cabaret de sa famille à Corona. Tu lui avais fais la promesse de l'accompagner. Tu savais qu'au retour de sa sœur, vous reprendrez la mer. Il deviendrait le Capitaine de son navire et tu deviendrais sa seconde. T'avais pas l'habitude de la terre ferme, alors au début tu te sentais déséquilibrée. L'odeur du sel et le vent sur tes cheveux te manquait. Ce n'était qu'une pause dans ta destinée. Au cabaret, t'es devenue la barmaid. Liesl t'a appris le métier sur le tas et c'est lui qui te maquillais, t'a jamais eu la patience pour ça, il a toujours été plus doué que toi. T'aurais pas pu être fille de joie, t'avais beau être agréable à regarder, tu n'hésitais pas à participer aux bagarres quand elles avaient lieu. Des clients qui se faisait amochés alors qu'il ne voulaient juste que passer des bons moments c'était pas bon pour le commerce. Derrière le comptoir c'était la place idéale pour observer que tout se passait bien, et pour piquer dans les bouteilles. Tu ne t'en privais pas avec Liesl. Au sous sol, vous continuez secrètement votre entraînement. C'est qu'il ne faut pas perdre la main. La nuit dans tes rêves, tu revois ton frère qui est devenu le Roi des Pirates.
★ ... et mettre fin au mystère ! ★